Alors ce soir, on dirait qu'on serait de bonne humeur.
Enfin, surtout moi.

Alors ce serait mieux, être de bonne humeur ce soir. Même si j'ai des circonstances atténuantes, France2 qui prétend fêter la musique en faisant dire des inepties à Daniella Lumbroso et en faisant chanter Etienne Daho, et les gens dehors qui branchent les hauts-parleurs pour me passer très très forts tous les tubes de l'été possibles et inimaginables depuis les années 70.
Tellement fort que même si j'étais de bonne humeur et que j'avais sommeil, j'aurais envie de les étrangler.

Disons que je suis de bonne humeur. Juste parce qu'on est mardi, et le mardi ça a été un bon jour pendant beaucoup de semaines, alors on va recommencer. Dire que c'était bien mardi.

On dirait qu'on serait comme dans un voeu.
Comme quand on dit 'à tes souhaits' ou 'à tes amours' et que les tiens durent toujours, et puis que ça se réalise. On dirait plutôt 'à ta bonne humeur' et youplaboum j'me sentirais toute joyeuse.

J'ai laissé s'échapper les éclats de rire presque hystériques de la fin de la journée, le 'Bonjour, j'voudrais parler à M'sieur Minh Hao' de Fred et moi à côté qui regardais par dessus son épaule 'C'est Minh Hoa qu'il s'appelle, le monsieur...' et lui n'arrêtait pas de dire Minh Hao et de s'en rendre compte au dernier moment.
Nerveuse, fatiguée, j'ai ri à n'en plus pouvoir de son incapacité à appeler le monsieur par son nom, et de ses difficultés à communiquer avec lui parce qu'en fait, il parlait tellement peu français.

J'ai zappé cette espèce d'euphorie qui nous donnait l'impression d'être saouls, dans la salle de pause, et nous faisait dire absolument n'importe quoi, rire bêtement de Fred et Caro qui jouent avec leur voix, de faire des grimaces au café, de regarder le petit lapin dans le parc qui sera sûrement capturé puis mangé, de passer le casque à Fred pour qu'il écoute le répondeur idiot et que le monsieur répond quand même.

Bon, alors c'est clair, on dirait que j'pète la forme, que j'aime penser que demain on est mercredi, qu'il reste 3 jours à tirer. Que je dois m'occuper de Céline. Que j'ai pas mal au ventre, et que j'ai le sourire fabuleusement accroché à mon visage. Que je supporte avec brio mon père et ses commentaires derrière moi, ma soeur qui se shakirise, et cette musique exaspérante.

On dirait que je vais me coucher. On dirait que demain je suis de bonne humeur aussi. On dirait que demain, ce serait un bon jour.
Même si encore influencée par l'année passée, je pense toujours qu'il se passera quelque chose d'agréable le mardi, et qu'il ne s'est rien passé, on dirait que demain ce serait mieux.

Que ce serait toujours mieux, et que l'autre qui fait genre je m'appelle comme dans une pièce de Corneille, arrêterait de parler que de sentiments débilo-bubble gum dans la télé.

Et que j'aurais plein de ressources. A n'en savoir qu'en faire. Plein partout, et je ferais ce que je veux. Je chanterais à tue-tête quand je veux, je dormirais quand j'ai sommeil. Je me lèverais à l'heure que je veux. Je boirais que du café Malongo commerce équitable. Je dirais aux gens qu'ils sont cons si j'en ai envie. Je me promènerais pieds-nus sans me brûler les pieds. Et plutôt que parler parler parler, je me prélasserais au soleil et j'irais me baigner.

On dirait que je serais de bonne humeur et que j'aurais plein de ressources.